Il en est des spectacles comme de la vie ! Par moment, elle nous semble calme, cool, tranquille, un peu ennuyeuse mais sympa, et par moment c’est un tourbillon joyeux, rapide, acide, pimenté !… Quelle vie préfère-t-on ? Quel spectacle ? Ne répondez pas tout de suite, prenez le temps de réfléchir… ou pas !
Dans un monde converti à l’ultra consommation, à quel moment décide-t-on de vendre sa conscience au diable ?
Dans un monde où habiter dans un appartement petit, crasseux mais cher, surtout très cher, le jeune et gentil couple Fleur (Joséphine Berry craquante) et Benji (épatant Louis Bernard) vivent une vie heureuse, calme, tranquille…etc. Elle attend Bébé, le samedi ils se baladent dans les grands et beaux magasins, s’extasient en silence sur toutes ces belles choses qu’ils n’auront jamais, puis rentrent dans leur petit appartement miteux mais dans lequel ils sont heureux.
Un jour, ils reçoivent une lettre de l’état qui leur propose de leur donner une maison ! Bien sûr, il y a quelques petites conditions… C’est là que le diable, sous la forme d’une femme d’affaire rapide et efficace (surprenante Floriane Andersen) va entrer dans la danse, les allécher, les appâter avec une proposition si… qu’on ne peut pas la refuser dit Fleur qui entrevoit l’occasion de quitter la première vie pour aller vers l’autre qui serait plus… Non, il faut se méfier dit Benji à qui sa vie petite, terne etc. suffit parfaitement… oui mais Bébé dit-elle la main sur son ventre posé, ouvrant ses grands yeux remplis de larmes rentrées… ou pas !
Alors, au nom de l’amour pour Bébé, chassant cette première vie d’une pichenette, ils vont basculer dans la seconde, bousculant allègrement tout ce qui faisait les fondements de leurs consciences, pour notre plus grand bonheur (honte sur nous) !
Avides de posséder plus, encore plus et toujours plus, ils oublieront toute humanité…
Philippe Ridley décrit avec malice et férocité un monde où consommer est la priorité absolue. Les répliques fusent, les situations subversives s’enchaînent rapidement. Toute notre société est passée au crible de sa plume acide et hilarante. Portée par une mise en scène épurée, tout est blanc du sol au plafond, David Mercatali nous plonge dans dans une ambiance quasi surréaliste qui nous horrifie, et même si une petite voix intérieure nous gourmande et nous susurre : non, ils ne vont pas aller jusque là, non… Si ! on ne peut pas s’empêcher de rire jusqu’aux larmes par instant.
Joyeux, attachants, cyniques les comédiens s’en donnent à cœur joie. Ils nous entraînent par touches successives dans cet univers absurde et décalé. Il y a la séduisante Joséphine Berry, dont le personnage tranquille et discret au début du spectacle dévoile très vite une volonté de fer, elle joue avec finesse de tous les codes de la femme qui propose sans imposer et explose littéralement si on ne lui donne pas ce qu’elle veut. Elle irradie au fur et à mesure qu’elle accumule et nous communique avec passion son amour de la possession. Il y a Louis Bernard dont la naïveté et la droiture au départ nous rassurent et qui va se révéler plus féroce que les autres. Il joue avec un naturel désarmant, il est extrêmement drôle et nous fait vivre un moment digne des plus grands comiques. Floriane Andersen tantôt femme d’affaires, tantôt clocharde excelle dans l’interprétation de ses deux personnages, variant de l’un à l’autre avec virtuosité et si elle campe une femme effrayante dans le premier, elle nous touche tout en douceur dans son rôle de vagabonde.
Un spectacle subversif, hilarant,un petit bijou pimenté qu’il ne faut pas rater !
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T. Volia
Radieuse Vermine de Philippe Ridley, M-S David Mercatali, assisté de Flore Vialet
Avec Joséphine Berry, Louis Bernard, Floriane Andersen
Au Chêne Noir, 8 bis rue Sainte-Catherine, 84000 Avignon à 20H45, durée 1H25
Relâche les lundis 10, 17, 24.