DE L’AUTRE COTE DE LA ROUTE au théâtre Michel jusqu’au 3 janvier

10 ans que je n’avais pas vu une pièce parisienne, dans un théâtre parisien, avec des acteurs français, maniant leur langue avec rythme, couleur et vérité. Bien sûr j’aurai pu choisir un texte classique pour me jeter dans l’arène. Mais j’ai découvert les mots sucrés-salés de Clément Koch, et je me suis régalée. Il faut dire que le talent du monsieur est reconnu depuis un moment : sa pièce « Sunderland » avait été plébiscitée par la critique et le public en 2011 et ses qualités d’auteur de comédie ne sont plus à prouver. Comme pour « Sunderland » justement, Clément Koch dans « De l’autre coté de la route » arrive à nous faire rire de situations graves, de sujets forts : l’euthanasie, les scandales pharmaceutiques. On se rend à peine compte à quel point il est entrain de toucher là où ça fait mal tant les dialogues sont incisifs, drôles et le drame n’est pas mis en exergue.

Pourtant c’est une sorte de drame qui se joue devant nos yeux : celui de femmes qui ont été manipulé moralement comme physiquement. Nous sommes en suisse dans une sorte de maison de retraite. Là vit Eva Makovski (Maaike Jansen), scientifique qui a inventé un antidépresseur. Elle a reçu de nombreuses distinctions au cours de sa carrière mais loupe le prix Nobel de chimie après un scandale mettant en cause le laboratoire pharmaceutique pour lequel elle travaille. Depuis elle vit recluse dans cette maison de repos suisse, avec une voisine indiscrète et qui s’incruste (Dany Laurent), une infirmière-femme-de ménage (Maimouna Gueye) franche et réaliste. Rien qui ne peut vraiment donné l’envie à Eva de continuer à vivre ; d’ailleurs son seul intérêt dans la vie est enfin de mourir. C’est sans compter l’arrivée impromptue d’une jeune femme (Laurence Pierre) qui va tout chambouler et lui proposer un marché.

Comme je le disais c’est la langue, les dialogues du tac au tac, souvent ironiques, parfois blessants qui font la pièce. Les acteurs, enfin surtout les actrices – car c’est une pièce de femmes et le seul pauvre homme, dirigeant du laboratoire Lexo (Gérard Maro) est parfaitement ridiculisé, dans les règles de l’art – portent des personnages aux très fortes personnalité. Elles entrent donc sur scène avec beaucoup d’énergie sachant qu’elles vont se lancer dans des joutes verbales, mais aussi des émotions très percutantes, voire dures. Comme une diva au milieu de ses ouailles, Maaike Jansen, de sa voix presque grave a tout compris d’Eva : si elle lâche un quelconque sentiment d’amour, d’amitié ou de compassion, elle n’arrivera pas a ses fins. Pourtant, toutes ses femmes autour d’elles, par leurs histoires vraies et leurs partages, vont faire tomber l’édifice hautain qu’a construit Eva.

On rit parce que chacune réussit à déstabiliser les autres : bien sur les répliques sur la tolérance que fait passer le personnage de Maimouna Gueye, qui ne cesse de rappeler que sa différence de couleur de peau et de culture ne devraient pas être pris en compte, peuvent paraître un peu cliché, mais l’actualité nous rappelle très vite que ce n’est pas un mal d’insister à travers le théâtre sur ces vérités souvent oubliées.

Et puis il faut avouer que l’intrigue est rondement menée et qu’à chaque instant on se demande ce qu’il va se passer. Comme une sorte de petite enquête en huis-clos où les mots déciment comme une mitraillette, même si parfois les acteurs, bizarrement, semblent oublié leur textes, ce qui fait vite tomber la pression dans laquelle ils avaient réussi a nous mettre.

Marjorie.

 

De Clément Koch

Mise en scène: Didier CARON
Assistant(e) mise en scène: Bénédicte BAILBY
Décor: Jacques VOIZOT
Musique: Raphaël SANCHEZ
Costumes: Brigitte FAURE -PERDIGOU
Éclairagiste: Geneviève SOUBIROU

Avec Maaïke JANSEN, Laurence PIERRE, Gérard MARO, Dany LAURENT et Maymouna GUEYE

Du mercredi au samedi à 21h00 – À 16h30 le samedi – À 16h45 le dimanche / 1H40

Théâtre Michel