Partager la publication "ADIEU MONSIEUR HAFFMANN au théâtre Actuel à 17H20 (1H25)"
L’atmosphère est lourde ce jour de mai 1942 dans la boutique d’un petit artisan joaillier juif. Joseph Haffmann est un homme avisé, prudent et il est parvenu à préserver sa famille en l’envoyant en Suisse quand les premières lois antisémites ont préfiguré le sort que les collaborateurs et les nazis réservent aux juifs.
Sa décision de proposer à son employé de reprendre la bijouterie Haffmann et Fils et de « disparaître chez lui » caché dans la cave a été murement réfléchie. L’homme porte un regard calme, douloureux mais déterminé sur l’existence de fantôme qu’il s’attend à vivre.
Seulement Pierre Vigneau, employé modèle et homme de confiance, est aussi un opportuniste dans ces temps très troublés. La guerre (ou l’occupation) lui donne l’occasion de réaliser deux grands rêves : être son propre patron (lui qui n’a que son talent comme capital) et devenir enfin père (alors qu’il est stérile) en exigeant de Joseph qu’il fasse un enfant à son épouse.
Le pacte « faustien » est donc conclu. Lequel des deux sacrifiera son âme ou mettra fin à cet insupportable marché?
Celui qui pour survivre accepte un pacte qui fait de lui un mari infidèle et un « bouc reproducteur » en plus d’être « bouc émissaire » ?
Ou bien celui qui « enivré » par sa nouvelle situation devient, grâce au succès de ses créations joaillières, un intime d’Otto Abetz (ambassadeur et pilleur officiel d’œuvres d’art pour le compte du Troisième Reich) et tente d’oublier qu’il a organisé et soutenu cette relation adultérine et qu’il cache dans la cave « l’amant » de sa femme ?
La pièce écrite et mise en scène par Jean-Philippe Daguerre et interprétée par cinq comédiennes et comédiens excellents chacun dans sa partition (Gregori Baquet, Julie Cavanna, Alexandre Bonstein, Franck Desmedt, Charlotte Matzneff), nous interroge sur l’ « Inacceptable». Pas un « Inacceptable » gore ou spectaculaire comme parfois le cinéma se complaît à montrer. Un « Inacceptable » discret et presque généreux mais profondément malsain et destructeur.
La mise en scène est rapide, efficace, presque cinématographique. Le décor est sobre, sombre nous rappelant qu’il y a à peine 75 ans la France était plongée dans des tourments bien plus effroyables que les temps présents.
Un très bon moment de théâtre à découvrir à Avignon jusqu’au 31 juillet au Théâtre ACTUEL.
Nicolas CORMYR
Une pièce écrite et mise en scène par Jean-Philippe Daguerre
Interprète(s) : Gregori Baquet, Julie Cavanna, Alexandre Bonstein, Franck Desmedt, Charlotte Matzneff
Décors : Caroline Mexme
Musique : Hervé Haine
Lumières : Aurélien Amsellem
Costumes : Virginie Houdinière
Assistant à la mise en scène : Hervé Haine
Collaboration artistique : Laurence Pollet-Villard